Polarisation
Faire face à des émotions et perspectives divergentes
La communication sur le climat peut susciter de nombreuses émotions telles que la peur des effets du changement climatique, la colère par rapport aux mesures pour le climat ou au contraire le soulagement de voir que des actions climatiques ont lieu. Cette variété d’émotions donne souvent lieu à des frictions et mène à la polarisation. Comment naviguer à travers ces tensions ? Comment éviter que cela ne divise la société ?
Comment naît la polarisation autour du climat ?
Les actions pour encourager les individus à se comporter de manière plus soucieuse du climat peuvent leur donner le sentiment d’être privés d’une partie de leur liberté ou de leur confort. Imaginez par exemple que vous deviez choisir entre une rénovation énergétique ou l'installation de la cuisine de vos rêves. Ces émotions alimentent les divergences d’opinions sur l’approche et les solutions en rapport avec le problème du climat.
De plus, les individus ont une tendance naturelle à rechercher des avis qui confirment leurs croyances existantes. Ils font plus rapidement confiance à leurs propres expériences et aux avis des personnes qui font partie de leur réseau social. Plus encore, ces avis pèsent souvent plus lourds que les faits. Conséquence : la frontière entre les faits et les opinions s’estompe.
Le problème du climat est en outre très complexe. Cela fait en sorte que les gens tombent plus facilement dans un camp ou en choisissent un dans un cadre résolument binaire entre partisans et adversaires. Lorsque vous venez placer l’accent sur l’identité des autres (par exemple « tous les écolos sont louches » ou « tous les conducteurs de SUV sont des négationnistes du climat »), les tensions s’accentuent et nous nous retrouvons face à un débat polarisé de type « nous vs eux ».
La polarisation constitue-t-elle une menace pour les actions climatiques ?
La polarisation peut être enrichissante et est essentielle à la démocratie. Les opinions ou les idées divergent et vous entendez des voix différentes. Les frictions qui résultent d’un tel débat mènent à l’innovation et à un changement positif. Les jeunes engagés dans l'action climatique se sont notamment battus ces dernières années pour plus d'attention pour notre planète, ce qui a contribué au Green Deal européen.
Dans le même temps, certaines personnes décrochent face à de telles frictions parce qu'elles se sentent (implicitement) jugées. Les agriculteurs ont ainsi pu se sentir acculés dans le mauvais rôle, alors qu'eux aussi sont victimes du changement climatique.
La polarisation menace la cohésion sociale et les actions climatiques lorsque l’accent est placé sur l’identité des autres plutôt que sur leurs idées. La tension monte et de plus en plus d’individus se sentent forcés de choisir un camp. Un climat de méfiance se développe, y compris vis-à-vis de sources qui étaient auparavant respectées pour leur autorité. Une discussion ouverte, laissant la possibilité de changer d’avis, devient alors de plus en plus difficile et même impossible à partir d’un certain moment.
Quel rôle jouent les médias (sociaux) dans la polarisation ?
Les médias ne sont pas la cause, mais bien des accélérateurs d’un processus de polarisation. Leur méthode de « pour ou contre » laisse souvent peu de place à la nuance. La question de la culpabilité et le principe du « mot pour mot » sont ancrés dans leur approche. Les médias (sociaux) montrent souvent les deux camps dans l’idée que « le public peut ainsi se faire sa propre opinion ». En réalité, de cette façon, ce sont les voix les plus extrêmes qui bénéficient de la plus grande attention, car elles veillent à ce que le public soit le plus impliqué possible et suscitent la plupart des interactions sur les canaux de médias (sociaux).
La digitalisation et l'algorithmisation renforcent cela. Les médias sociaux donnent libre cours à des émotions enflammées 24h/7j et enferment les individus dans leur petite bulle personnelle. Parce que les individus ont tendance à chercher et à sélectionner des informations qui soutiennent leurs croyances existantes, cela donne naissance à des « chambres d’écho ». Ainsi, vous avez d’un côté des scientifiques et des activistes en faveur du climat et, de l’autre, des climatosceptiques qui partagent chacun leurs convictions auprès d’abonnés dont l’état d'esprit est partagé. Ces informations provenant d'articles et de conversations numériques polarisés infusent ensuite le débat politique et public.
L'information aide-t-elle à sortir d'une conversation polarisée ?
Le simple fait de donner de l’information aide rarement à sortir de la polarisation. La polarisation n’est jamais raisonnable. C’est une question de sentiments, et non de logique. Plus la polarisation augmente, plus l’émotion augmente elle aussi. Plus la polarisation dure longtemps, moins l’échange ou l’apport de nouvelles informations vont aider. La vision de l’autre comme un « ennemi » persiste.
Des théories du complot comme « les scientifiques ont inventé le problème pour s'enrichir » deviennent une échappatoire afin de justifier sa propre pensée. L'information sert alors uniquement à se donner raison. La production de « contre-récits » en faveur d’une vision modérée ou différente alimente encore la polarisation.
Au cours d’un débat polarisé, même les faits sont mis en question. Ainsi, la polarisation est l'un des moteurs de la désinformation croissante. C’est pour le moins complexe parce que la polarisation aggrave et provoque à la fois les fausses informations.
Comment faire face à la polarisation autour des enjeux climatiques ?
Lorsque la polarisation débouche sur un récit « nous vs eux », convaincre les voix les plus extrêmes devient très difficile, pour ne pas dire impossible. Les voix extrêmes s’identifient si profondément à leur vision que toute nuance est ressentie comme une attaque personnelle. C’est pourquoi la meilleure façon de dépolariser est de détourner l’attention des voix plus extrêmes et de travailler avec le groupe dit « silencieux », c’est-à-dire les personnes qui n’ont pas encore pris parti.
Parfois, la polarisation débouche sur un conflit violent, comme nous l’avons vu par exemple lors de la manifestation contre le nouveau plan de circulation à Bruxelles. À partir de ce moment-là, vous pouvez désigner et identifier clairement les parties impliquées, ce qui rend possible la médiation ou la gestion des conflits.
Dans d’autres formes de polarisation, le fait de désigner les acteurs principaux est quelque peu plus compliqué. Essayez par exemple de savoir qui se trouve à l’origine de « climate actions cause economic armageddon ». Ici, il est important d’adopter une attitude investigatrice pour comprendre ce qui se passe réellement.