Wavemaker Story #1 - Fred Dorsimont
Amener votre public cible à agir grâce aux sciences comportementales
Les sciences comportementales ne sont pas qu’un outil : elles transforment votre communication pour susciter l’action.
Rencontre avec Fred Dorsimont, expert en la matière et fondateur de Behaven.
Comprendre les freins au changement
Pourquoi observe-t-on des freins au passage à des modes de vie plus durables ?
Les discussions sur la durabilité se concentrent souvent sur des aspects techniques ou technologiques. On parle de voiture électrique, de pompe à chaleur, de substitut à la viande, etc. Pourtant, mettre à disposition une innovation technologique ne suffit pas. Il faut que les gens s’en emparent et continuent ensuite de l’utiliser : le bénéfice vient de l’utilisation.
Comprendre les comportements et apprendre à les influencer est aussi crucial que le développement technologique.
Explorer les facteurs d’influence
Quels facteurs influencent le comportement humain ?
Trois types de facteurs principaux se distinguent.
1. Les facteurs contextuels : Ce sont les contraintes pratiques, physiques, concrètes telles que le prix, l’accessibilité, le temps nécessaire, ou encore la facilité d’utilisation.
2. Les facteurs sociaux : Il s’agit de l’influence des actions et de l’approbation des autres.
3. Les facteurs individuels : Il s’agit de l’influence de facteurs tels que vos valeurs, vos préférences, vos intentions, mais aussi vos habitudes et réactions émotionnelles.
Approfondir chaque type de facteur
Que peut-on dire des facteurs contextuels ?
L’être humain ne choisit jamais de façon absolue, « dans le vide ». Ses décisions dépendent du contexte immédiat et de la manière dont cela lui est présenté. Les facteurs contextuels incluent :
- Le prix d’un produit ou d’un service.
- Sa facilité d’accès et d’utilisation.
- Le temps nécessaire pour se fournir.
- La présence ou l’absence d’infrastructures et de technologies facilitantes.
-> Ex. Existe-t-il un magasin qui vend du vrac à proximité ou faut-il parcourir plusieurs kilomètres ?
Et les facteurs sociaux ?
Les comportements des autres influencent nos choix. Nos proches, nos collègues, nos voisins jouent un rôle majeur, tout comme les personnes ou les entités que l’on considère comme expertes. Il peut s’agir d’un·e médecin, d’un influenceur ou d’une influenceuse, etc. On peut aussi se faire influencer par la publicité, la culture environnante. Des messages implicites mais réels passent en continu. Par exemple, présenter un·e protagoniste de publicité se déplacer en vélo plutôt qu’en SUV établit ou renforce une norme sociale positive.
-> Ex. Suite à leur propre expérience, vos voisins vous encouragent à acheter en vrac.
Et enfin, les facteurs individuels ?
Ils se divisent en deux sous-groupes :
- Les influences conscientes : Nos connaissances sur les bénéfices de quelque chose ou sa juste utilisation, mais aussi nos valeurs, nos croyances, nos intentions, tout ce qui émane de nos réflexions et peut être verbalisé.
- Les influences inconscientes : Nos émotions, nos raccourcis mentaux aussi appelés « biais cognitifs ». La « licence morale » est en un. Il s’agit d’utiliser une bonne action comme excuse. Par exemple : après avoir pris les transports publics pendant un trimestre, une personne va « s’autoriser » un vol aller-retour New-York.
Dans ces influences inconscientes, il y a aussi les habitudes. Ce sont ces comportements plus automatiques qui sont ancrés et particulièrement difficiles à modifier. Pourtant, la durabilité demande justement de s’attaquer à ces habitudes, à ces routines.
-> Ex. Vous êtes convaincu·e des avantages environnementaux du vrac.
Identifier les clés pour agir
Existe-t-il un facteur prédominant ?
Non. Les freins sont propres à chaque action et tout comportement est toujours influencé par une combinaison de facteurs. Ce qui fonctionne pour l’alimentation durable ne va pas forcément s’appliquer à de la consommation d’énergie ou de la mobilité. Néanmoins, certains grands grands principes sont à avoir en tête pour orienter correctement son message :
- Le biais du présent : Préférer un bénéfice immédiat plutôt qu’un avantage lointain ou abstrait.Par exemple, dire « Ne prenez pas votre voiture, pensez aux générations suivantes » est très peu palpable et donne une impression de goutte d’eau dans l’océan.
- La norme sociale positive : Les gens agissent davantage lorsqu’ils et elles se sentent soutenus par une dynamique collective. Le mouvement s’opère aussi davantage quand les mieux nantis font un effort en proportion. Cette dimension est souvent sous-estimée en communication et en marketing. On a tendance à voir le public cible comme « un individu » mais il s’agit en réalité d’une collectivité.
- Le bénéfice de la bonne action : Plutôt que d’éveiller la culpabilité avec des images alarmistes comme celle de l’ours polaire sur son bout de banquise, il est plus efficace de rendre la durabilité positive, désirable, voire « cool ». D’ailleurs, l’argument durable ne doit pas forcément être le premier mis en avant. Pour prendre l’exemple de la marque Nike et de l’une de ses lignes plus éco, elle a misé sur le design, les couleurs, l’aspect tendance. La dimension plus durable apparaît ensuite, mais pas en premier plan.
Comment mobiliser un public-cible ?
Deux étapes s’imposent :
- Comprendre les freins à la modification de comportement.
- Proposer des solutions adaptées en combinant souvent les facteurs contextuels, sociaux et individuels
Le problème est que la première étape est souvent oubliée. On suppose que l’immobilisme de son public cible est principalement dû à une méconnaissance. On s’oriente alors vers de la sensibilisation. « Si seulement les gens savaient, alors ils feraient les bons choix ! »… Mais cela ne fonctionne pas comme ça.
La sensibilisation peut être nécessaire face à une nouveauté mais globalement, les gens sont déjà bien au fait. L’enjeu est de réduire l’écart entre les intentions et le comportement.
Différencier les profils d’un public-cible
Un public-cible est-il toujours homogène ?
Rarement. La « courbe d’adoption » illustre trois groupes principaux :
- Les « early adopters » : Peu réticent·es au changement, ils et elles répondent rapidement à des arguments environnementaux.
- La majorité : Influencée par les normes sociales dynamiques, il faut lui montrer qu’un mouvement en faveur d’une nouvelle action durable est en route.
- Les retardataires : Les plus réfractaires au changement.
Si un public-cible possède ces différents profils, il faut combiner les approches pour espérer toucher l’ensemble.
Traduire les principes en actions concrètes
Quel outil utiliser pour créer des solutions impactantes ?
Behaven propose une check-list pratique : les 6C pour guider un public-cible vers un choix durable. Un message doit idéalement être :
1. Concret : Fournir des exemples tangibles et actionnables.
2. Cool : Créer une expérience agréable avec des incitations positives, une mise en avant du bénéfice.
3. Continu : Faire en sorte que le choix durable s’intègre dans la routine des gens.
4. Collectif : Capitaliser sur la dimension et l’influence sociale en faveur du bon geste.
5. Clair: Faciliter et simplifier la communication.
6. Commode : Réduire l’effort à fournir pour effectuer le bon geste.
Quelles erreurs éviter ?
- Adopter un ton moralisateur.
- Utiliser des émotions négatives qui peuvent créer de l’éco-anxiété. Bien que ce point doit être nuancé. Si l’on crée des émotions négatives mais que l’on donne des solutions concrètes pour les atténuer, cela peut être efficace. De façon générale, il est plutôt recommandé de mettre en avant les avantages d’un nouveau comportement.
- Polariser les identités. Il vaut mieux valoriser ce qui unit plutôt que ce qui divise.
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